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Charleston, Dunhills & Sidecars

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T. Easton Lewis
T. Easton Lewis

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MessageSujet: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeMer 1 Aoû - 15:38



Charleston, Dunhills & Sidecars

Bienvenue dans le merveilleux sujet de T. Easton Lewis qui va avoir l'honneur d'avoir comme partenaire Billie A. Berkeley. Pour leur petit sujet, ils autorisent l'intervention d'un PNJ inoffensif qui pimenterait le rp et ils interdisent l'intervention de membres extérieurs qui passeraient par là. Ne sont-ce pas là des choix merveilleux ? L’histoire se déroule en Juillet 1924 à une heure du matin alors que la météo est chaudement humide A présent, il est temps de laisser la parole au créateur du sujet : Bonne lecture !



Dernière édition par T. Easton Lewis le Mer 1 Aoû - 16:17, édité 1 fois
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T. Easton Lewis
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MessageSujet: Re: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeMer 1 Aoû - 15:41

« J’ai entendu parler d’un bar sympa dans une cave, sur la 15ème. Tu veux venir ? Il y aura surement quelques amis… » Pause de réflexion. « Non merci, j’ai du boulot. On se voit demain, ne sois pas en retard cette fois-ci ! » Ernest éclata de rire tandis qu’il remontait dans l’auto. Thomas le regarda démarrer le moteur puis s’éloigner dans un vrombissement sonore, avant de bifurquer vers la rue adjacente. Il soupira et leva les yeux au ciel. Celui-ci était noir d’encre, et pour une fois assez dégagé pour qu’il puisse y apercevoir quelques étoiles. Quelle belle nuit, pensa-t-il. Le jeune homme se mit à marcher seul dans la ruelle obscure où son ami l’avait déposé. L’odeur du goudron encore humide de pluie lui faisait froncer du nez et il marchait en s’efforçant de d’éviter les flaques d’eau dans le noir. En vérité, il avait menti à Ernest : cela faisait bien longtemps qu’il ne travaillait plus de nuit, mais la perspective de passer la soirée dans un bar avec un groupe de petites frappes excitées par l’alcool ne le séduisait pas vraiment. Il se sentait terriblement las et amer. La seule compagnie qu’il aurait bien acceptée à ce moment là aurait été celle d’une bouteille.
Il avançait toujours, le pas lourd et la tête baissée. Les lumières agressives des enseignes des cabarets ne semblaient pas l’affecter. Sur le trottoir, quelques prostituées l’accostèrent, mais il les dépassa comme si elles avaient été invisibles. Déprimé, il était déprimé. Par quoi ? Par tout. Toute cette vie qu’il détestait. Tout ce qui lui était arrivé. A chaque fois qu’il levait le regard, il se sentait encore plus abattu. Là, cette mendiante polonaise. Ici ce vieil alcoolique inconscient sur le sol. Il les observait et ne pouvait s’empêcher d’éprouver pour eu un mélange de pitié et de dégout. Thomas haïssait le monde où il vivait. Il voulait seulement tout oublier, ne serait-ce pour l’espace d’une nuit.
Lorsqu’il releva la tête il eu la surprise de se retrouver devant la façade d’un bâtiment qui lui semblait familier, mais dans lequel il était pourtant sur de n’avoir jamais pénétré. Le souvenir d’une virée avec Ernest lui revint en mémoire : « Je suis venu ici deux ou trois fois. C’est un speakeasy. Ils ont de sacrées minettes, ce n’est pas mon genre d’établissement mais il y a une bonne ambiance. Et de quoi s’amuser. Ah oui, si tu y vas, il y a un mot de passe…» Il haussa les épaules. Après tout, il n’avait rien à perdre en y entrant. Un bref contrôle de ses poches lui dévoila trois dollars. Pas assez pour s’enivrer, tout juste pour passer un bon moment. Tant pis, il oublierai le taxi pour rentrer.

Le lieu était plutôt étroit et l’heure tardive avait poussée beaucoup de clients à rentrer chez eux… Il y régnait une forte odeur d’alcool et de vieux cigare. Au fond de la pièce avait été installée une scène où se produisait une jolie jeune fille aux cheveux presque aussi rouquins que lui. Le regard de Thomas s’attarda quelques instants sur ses gambettes puis il prit place au bar. Quand même, c'était sacrément ingénieux de cacher son bar dans un restaurant ! Il intercepta la barmaid qui naviguait entre trois clients, distribuant les boissons. « Un Sidecar s’il vous plait. » Elle acquiesça sans le regarder, visiblement exténuée. En attendant sa commande, il se mit à observer discrètement les clients. La plupart lui étaient strictement inconnus, mais il distingua quand même un ami d’Ernest, qui leva son verre pour le saluer. Décidément celui là avait des copains dans tout New York. « Et voilà. » Thomas remercia la jeune serveuse et détourna le regard. La chanteuse rousse était descendue de son estrade et souriait sous les quelques applaudissements que lui accordaient les clients encore présents. Il lui adressa un hochement approbateur de la tête et prit une lampée de boisson, sans la quitter du regard. Elle était plutôt mignonne vue de près.
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Billie A. Berkeley
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MessageSujet: Re: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeMer 1 Aoû - 20:26

When she was just a girl,
She expected the world,
But it flew away from her reach,
And the bullets catch in her teeth.

    La soirée avait été rude. Les clients avaient afflué par paquet et pas un seul instant de répit. Elle ne pouvait souffler que lorsqu’elle prétendait vouloir aller aux toilettes. Quoique… Là encore, il y avait de fréquentes allers et venues afin de vérifier si on ne faisait pas autre chose que de se vider la vessie. Billie commençait à souffrir de cette surveillance, mais après tout, elle n’avait pas son mot à dire. Elle gagnait des sous, cela lui suffisait amplement. La jeune femme avait minimisé ses déplacements là-bas et passé son temps à se faire reluquer, peloter les fesses ou se faire huer par des clients prétentieux et imbibés. Quelques rares hommes, encore en pleine possession de leurs capacités, lui reconnaissaient un travail peu facile. Ils lui avaient aimablement demandé de pousser la chansonnette, ce que la jeune femme avait accepté avec un plaisir non feint. Elle s’était échappée dans les vestiaires, en avait profité pour se recoiffer, pour se repoudrer le nez avant de se hisser sur ce qui servait de scène.

    Les notes frêles d’un piano, entremêlées à celles d’un saxophone, s’élevèrent dans la pièce. Les paupières closes, la tête baissée, Billie se laissait enivrer par ces vibrations puissantes. Puis, elle releva le menton, ouvrit ses yeux et fit face à des hommes qui, pour ne pas changer les bonnes vieilles habitudes, la déshabillaient du regard. Elle se sentit mal à l’aise mais préféra passer outre ces regards vicieux. Les paroles jaillirent de sa bouche, tantôt douces et presque incertaines avant de prendre leur envol et de s’épanouir au rythme de la mélodie. Lorsqu’elle eut fini de chanter la première fois, on lui redemanda de chanter, encore et encore. Elle aurait bien voulu prendre une pause, pour boire un verre d’eau, mais les insistances des clients l’en dissuada. Après avoir chanté pas loin de cinq chansons dont deux de sa propre composition, la jeune femme quitta la scène, soulagée. Les maigres applaudissements la ravissaient quelque peu, mais elle n’en demandait pas plus. Pas pour ce soir. Un homme hocha la tête et elle lui esquissa un sourire, non parce qu’elle était contente, mais par pure politesse.

    Elle se dirigea vers le comptoir et passa derrière. Elle esquissa un sourire las à la barmaid qui servait les rares clients qui restaient encore. Cette dernière lui adressa quelques paroles auxquelles Billie répondit « Toujours les mêmes. L’homme avec son pardessus vert et sa veste marron qui me reluque d’un œil lubrique, l’autre avec son pantalon de velours pourpre qui a ses mains sous la table – je ne veux pas savoir ce qu’il fait avec, et le mec dans le fond, là-bas ( Billie montre discrètement de la tête un homme dans son coin ), qui passait sans arrêt sa langue sur ses lèvres pour dire qu’il me veut dans son lit. Encore hier, je lui ai refusé ses avances. Dommage que je ne peux pas lui balancer de verres à la figure… » Elle jeta un regard en coin à l’homme en question qui la fixait et qui levait son verre pour elle, un sourire mystérieux sur les lèvres. La jeune femme frissonna. Un petit groupe d’hommes entra et Billie se dirigea d’emblée vers eux.

    « Bonsoir Messieurs. Qu’est-ce que je vous sers ? » Après qu’ils eussent énoncé leurs désirs, la jeune femme leur adressa un sourire, leur tourna le dos et se dirigea vers le comptoir où elle manipula des bouteilles. Après cinq minutes de préparation, les boissons étaient fin prêtes. Disposant les verres sur un plateau rond marron, la jeune femme partit, d’un pas résolu et ferme, vers la table. Cependant, les verres n’atteignirent jamais la destination. Un homme, passablement éméché, vint la percuter de plein fouet. Le plateau atterrit lamentablement sur le sol, répandant des milliers de morceaux de verre mêlés aux divers alcools. Billie se baissa immédiatement pour ramasser les plus gros morceaux de verre. Ses joues chauffaient, elle se sentait honteuse. De toute façon, ça n’arrivait qu’à elle. Elle était bien trop distraite alors. Elle aurait dû voir l’homme se lever et tanguer sur lui-même puis tenter de s’en aller d’une démarche plus qu’incertaine en éructant des chansons paillardes. Des larmes de honte lui vinrent alors aux yeux. Elle se hâta de tout ôter avant d’aller vers la poubelle et de tout jeter. A ce moment-là, un homme important du bar se pointa et vint l’engueuler proprement du fait de son inattention et blablabla et blablabla. Billie, déjà bien honteuse de sa bêtise, voulu juste disparaître sous terre. Elle se retint fortement pour ne pas pleurer devant les clients et ses collègues. Elle tenta de prendre le dessus mais cela ne marcha pas. Une larme coula le long de sa joue et en elle ressurgit alors toute la tristesse de son enfance. Elle aurait voulu répliquer mais elle ne savait pas quoi et, de toute façon, elle n’avait plus la force de dire quelque chose ou de faire quoi que ce soit.

    Tête baissée, elle s’en retourna, le cœur gonflé de tristesse, de déception et d’un tas d’autres sentiments étranges, derrière le comptoir où elle espérait rester jusqu’à la fermeture quotidienne du bar.
Life goes on,
It gets so heavy,
The wheel breaks the butterfly.
Every tear, a waterfall.


Paradise - Coldplay
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MessageSujet: Re: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeMer 1 Aoû - 22:11

Une mélodie aux doux accents jazzy avait remplacée la voix chaude la chanteuse rousse. Pendant que celle-ci se réfugiait derrière le comptoir (ce qui au passage lui laissait une merveilleuse vue) Thomas été resté accoudé au bar, sirotant distraitement son cocktail. Il regardait les deux employées échanger en essayant de comprendre leur conversation, mais la musique et le brouhaha que produisaient les clients du fond du bar ne lui permettaient de ne saisir que quelques bribes de phrases. « …œil lubrique…il me veut dans son lit…refusé ses avances…balancer des verres à la figure…» Le jeune homme écarquilla les yeux sous la surprise. Ah ça, il ne s’attendait pas à l’entendre ! L’air de rien, il ne pu s’empêcher de jeter des regards par dessus son épaule, afin de reconnaître le ou les intéressé(s). Il fallait bien se l’avouer, les types en questions avaient l’air plutôt louche.
La jolie chanteuse avait quitté le bar, pour des raisons qui lui étaient inconnues, mais il n’y fit pas attention. De belles filles, ce n’était pas ce qui manquait dans les speakeasy et Ernest n’avait pas menti : il repérait ici et là quelques dames dont il aurait bien épinglé le portrait sur l’un de ses murs. Easton ferma les yeux et termina son verre. Il se concentra sur la musique, s’en empreignit du plus profond de son être. L’air mélancolique qui jouait alors semblait avoir été composé pour lui. Il le sentait dans son cœur, dans ses veines, il vibrait en lui : il le possédait si bien que sans s’en rendre compte, le jeune homme s’était mit à battre la mesure avec son pied.
BAM ! Un fracas assourdissant avait retenti tout près de lui. Thomas fit volte-face, pris de panique. Il ne s’était pas trompé, l’accident avait eu lieu à à peine quelques mètres de lui. Un plateau rempli de verres avait vraisemblablement glissé des mains d’une serveuse, il voyait déjà l’alcool se rependre sur le sol, ainsi qu’un bonhomme furieux sortit de nul part s’avancer vers eux. « Bon sang, fais un peu attention ! Jamais vu une telle empotée, c’est pas possible d’être aussi… » Il continua sa tirade pendant quelques instants, avant de retourner d’où il était venu. Easton fronçait les sourcils devant le manque de délicatesse de ce qu’il présumait être le patron des lieux. Enfin bon, ce n’était que des verres ! Pas de quoi l’humilier devant des clients…Il regarda la pauvre employée ramasser les derniers débris de verres et reconnut la rousse. Décidemment… Elle semblait avoir été bouleversée par les mots durs de son supérieur, si bien que deux grosses larmes perlaient dans ses yeux, menaçant de tomber à tout moment. Pauvre fille, elle semblait avoir eu une mauvaise journée elle aussi. Devant sa tristesse, il ne pouvait s’empêcher de compatir. Lui aussi avait parfois envie d’éclater en sanglots, mais dans leur monde, un homme ne pleurait pas. Il ne devait pas.
En tout et pour tout, la scène n’avait durée que quelques secondes, mais un froid semblait avoir été jeté sur l’atmosphère de l’endroit. Les musiciens s’étaient arrêtés sans que personne ne s’en aperçoive et les conversations s’étaient tues. Toute l’allégresse qui avait pu régner jusqu’alors s’était soudainement évaporée et cette interruption sonnait comme un dur retour à la réalité. Monsieur le patron avait refroidi l’ambiance, comme on disait, ce dont profitaient quelques clients pour partir.
Ils n’étaient plus très nombreux à présent dans le speakeasy, six ou sept en comptant les serveurs. Easton le remarquait tout juste maintenant, mais c’était le seul à être encore au bar, accessoirement là ou la rousse avait trouvé refuge. Il l’appela : « Un Bourbon s’il vous plait… » Il déposa le contenu de sa poche sur le bois verni du comptoir. 3 dollars. Il ne cherchait pas à l’impressionner avec ses maigres 20 cents de pourboire, mais le geste était là. De toute façon, il ne fallait pas être un Sherlock pour deviner qu’il ne roulait pas sur l’or. Elle arriva avec son verre. « Merci…j’ai vu ce qui s’est passé…enfin..comment il vous a parlé. Vous ne devriez pas vous laisser marcher dessus mademoiselle. Je vous ai écouté, vous avez de la voix. » Il but son verre d’un trait, avant de continuer dans sa lancée. « Je veux dire... Je ne m’y connais pas en musique, mais je sais reconnaître les belles choses. » Le jeune homme posa son verre et se mit à fouiller à l’intérieur de sa veste. Deux cigarettes, c’était ce qui lui restait du paquet que lui avait acheté Ernest. Ce devait être des Dunhills ou des Lucky Strike. La première réponse était la bonne. Il s’en alluma une et en tendit l'autre à la serveuse.

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MessageSujet: Re: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeJeu 2 Aoû - 0:26

All the things I said
I should have said and didn't say
And I wonder why, yes I wonder why
I think about the time we spent
The places that we went

Elle avait plié ses jambes et les avait ramenées contre elle. Elle s’était mise à trembler et fut prise d’un certain vertige, dû à la fatigue qu’elle accumulait depuis plusieurs jours et son envie irrépressible de pleurer. Elle essuya ses larmes, renifla aussi et accepta le mouchoir que sa collègue lui tendit, par pure bonté. Elle avait l’impression de se retrouver après le naufrage du Titanic, lorsqu’impuissante, elle a vu le bateau sombrer et son père englouti sous des tonnes de litres d’eau...

Les gens se pressaient sur le pont supérieur, là où les canots de sauvetage étaient entassés. Papa me portait dans ses bras et tentait de se frayer un chemin. Mais les gens étaient aussi désireux que nous de survivre. La question ne se posait plus, et l’équipage avait désormais du mal à le cacher ; le bateau sombrait lentement dans les profondeurs abyssales de l’Océan Atlantique. Des enfants pleuraient, des femmes hurlaient et les hommes tentaient de trouver une place à bord d’un canot pour leur famille. Papa me posa à terre et me prit par la main. J’étais bousculée, secouée de partout. Je me demandais si j’allais réussir à survivre à cette épreuve de chamboulement. Affolée, je lançais des regards apeurés tout autour de moi. Des enfants seuls serraient contre eux leurs nounours. L’espace d’un instant, j’étais tentée de dire à Papa d’aller les chercher. Mais ma petite voix fluette se noyait dans les flots de paroles graves des adultes. J’ai alors détesté être une enfant car on ne fait jamais vraiment attention à moi. De temps à autre, les yeux de Papa se posaient sur moi. Il tentait de me sourire mais il n’y arrivait pas. Juste des grimaces d’affolement, de peur, de désespoir, et aussi de regrets. Les regrets de ne pas nous avoir mené jusqu’en Amérique ? Je ne le saurais jamais. Un coup de feu fut tiré en l’air et un semblant de silence tomba. L’homme d’équipage hurla s’il resta des femmes et des enfants à bord. Papa jouait des coudes pour me donner une chance de poursuivre ma vie. Les gens s’agglutinaient devant le canot de sauvetage. Je voyais le paquebot s’incliner de plus en plus, mais j’étais impuissante face à la détresse soudaine qui s’emparait alors de mon être. L’homme d’équipage me prit par les bras et me hissa à bord du canot. Une femme me prit par les épaules et m’attira à elle. Papa était resté sur le pont et tenter de négocier une place à mes côtés. Mais sa demande essuya de multiples refus. Le canot descendit et le visage de Papa se fit de plus en plus petit. Je criais « papa » de toutes mes forces mais mes hurlements s’étouffaient parmi ceux des femmes qui avaient peur du canot qui penchait dangereusement. Je me rapprochais souvent du bord, agrippais le canot de mes petites mains et fixais tantôt l’eau, tantôt la minuscule silhouette de Papa. Ma gorge débordait de larmes et de cris. Le canot s’éloignait du paquebot et j’assistais impuissante à sa déchéance. L’eau submergea de plus en plus le Titanic et mon cœur battait de plus en plus vite. Je m’approchais du bord et scrutais l’eau. Etrangement, je ressentis une sensation de calme, presque apaisante. Comme si j’étais sur le point de me rendormir…

Son père lui manquait encore cruellement, même douze ans après le naufrage. Elle aurait voulu le voir en cet instant, pour qu’il la serre dans ses bras, qu’il la réconforte. Mais elle savait pertinemment qu’il ne referait pas surface. La seule chose dont elle fut certaine, c’est qu’il n’aurait pas aimé la voir pleurer pour lui. Il aurait voulu qu’elle relève la tête et qu’elle ne se soucie plus de lui. Facile à dire, mais difficile à faire. On l’appela. La jeune femme leva les yeux vers le plafond, épongea ses larmes avec le mouchoir qu’elle fourra dans sa poche et se leva. Elle esquissa un sourire timide à l’homme qui venait de commander un Bourbon. Quelques secondes plus tard, elle lui tendit le verre rempli du liquide ambré. Elle ramassa les 3 dollars qu’il avait posés sur le comptoir. Elle écouta ce qu’il lui disait.
De toute façon, on doit juste se taire. Ils auront toujours raison, et nous, non. Alors, à quoi bon vouloir se faire une place quand on est trainé dans la boue de la sorte. C’est une habitude, un pli à prendre. Je ne l’ai jamais pris. Jamais… La musique est la seule chose qui me permette de m’échapper de ce tourbier. Mais pour le moment, je suis enfermée ici, à me faire reluquer et peloter toute la soirée. M’enfin, je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça, ça ne vous intéresse pas !
Elle lui tourna le dos, aligna les bouteilles d’alcool sur les étagères, mit les verres sales dans un bac, passa un coup de chiffon sur le comptoir. Lorsqu’elle revint à la hauteur de l’homme, ce dernier lui tendit une cigarette.
Non merci, je ne fume pas. Du moins, pas en cet endroit.
Still makes me cry, yes it makes me cry
Why do they say that time will heal this broken heart ?
They would know it isn't true
If they lost someone like you, oh


When I remember when - 5ive


Dernière édition par Billie A. Berkeley le Jeu 2 Aoû - 22:29, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeJeu 2 Aoû - 22:08

Elle avait prit son argent sans dire un mot certes, mais il notait quand même qu’elle l’avait laissé l’aborder sans l’avoir envoyé paitre. C’est déjà ça mon vieux, au moins elle ne te prend pas pour un type louche, pensa-t-il. « De toute façon, on doit juste se taire. Ils auront toujours raison, et nous, non. Alors, à quoi bon vouloir se faire une place quand on est trainé dans la boue de la sorte. C’est une habitude, un pli à prendre. Je ne l’ai jamais pris. Jamais… La musique est la seule chose qui me permette de m’échapper de ce tourbier. Mais pour le moment, je suis enfermée ici, à me faire reluquer et peloter toute la soirée. M’enfin, je ne sais pas pourquoi je vous raconte ça, ça ne vous intéresse pas ! » Et voilà, elle avait enfin vidé son sac. Tout ce qu’elle avait gardé dans son cœur, surement depuis pas mal de temps, elle le lui avait livré. Thomas la regardait d’un air satisfait. Il se rapprocha de sa tête baissée et lui releva le menton de son index. Son regard émeraude se planta dans les yeux rougis par les larmes de la serveuse. Oh douce fatalité, tu t’en prenais ainsi aux pauvres jeunes filles ? « Ce que vous me racontez m’intéresse bien plus que vous ne pouvez l’imaginer. » Il se laissa tomber sur le dossier de sa chaise, tirant sur sa cigarette. Leur combat était le même, mais lui avait prit les armes. Si il se sentait si mal dans sa peau, si il sombrait tous les jours un peu plus dans la dépression, c’était à cause de cette fichue existence. On lui avait volé sa vie, laissé comme unique option l’Usine, mais c’était sans compter sa volonté. Il voulait reprendre ce qui lui appartenait. « Vous dites que vous devez subir, vous taire et courber l’échine. Tout cela ne vient pas de vous... » Lentement mais surement, il revint s’approcher d’elle, l’haleine enfumée. Sa main se leva et se posa le plus doucement possible sur la chevelure de cuivre de son interlocutrice. « …ce sont eux qui vous l’ont mit dans la tête. Vous pouvez en décider autrement. » Il tira une nouvelle fois sur sa cigarette, expirant la fumée sur le coté pour éviter d’incommoder la dame. Thomas se retourna furtivement pour parcourir du regard le reste de la salle. Il n’y avait plus qu’un vieux monsieur affublé d’un haut de forme miteux qui somnolait près de la porte. Il se retourna. « C’est la première fois que je viens dans ces lieux. Vous travaillez ici depuis longtemps ? » Tant qu’à faire, pourquoi ne pas débuter une conversation. Le temps de la fermeture approchait certes, mais il avait tout sauf envie de rentrer chez lui. Monter les étages, se glisser dans son lit en faisant le moins de bruit possible pour ne pas réveiller Henry. Ah, il devait quand même sérieusement songer à déménager. Après tout, il y avait bien des hommes de son âge qui vivaient déjà avec leurs épouses. Enfin déjà fallait-il qu’il se dégotte une amoureuse, ce qui était plutôt délicat. D’ailleurs en parlant de délicatesse, il avait commis une belle bourde. « Veuillez excuser mon impolitesse. Je m’appelle Easton Lewis. Enchanté de faire votre connaissance. » Il mima une vague courbette du haut de son tabouret et se remit à la dévisager. Pour tout avouer, il aurait bien aimé l’inviter à boire un verre, cette fille là, mais ne voulait pas paraitre impertinent. Et puis quelques minutes plus tôt, n’avait-elle pas maudis tous ces clients mal élevés ? Il lâcha un soupir. Il fallait vraiment qu'il arrête de penser autant.

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MessageSujet: Re: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeJeu 2 Aoû - 23:27

Regrets collect like old friends
Here to relive your darkest moments
I can see no way, I can see no way
And all of the ghouls come out to play

Elle avait rebaissé la tête et s’acharnait sur une tâche sur le comptoir. Peut-être avec trop d’enthousiasme. Elle pensait sûrement qu’en l’effaçant, elle réussirait à bannir tous ces souvenirs douloureux. Sa conviction était enfantine. Elle s’y accrochait tout en sachant que ça serait vain. Une fine pellicule de sueur s’était emparée de sa nuque. Elle l’essuya d’un revers de la main. Trop absorbée par sa tâche « titanesque », elle n’avait pas vu venir la main de l’homme qui lui redressa le visage. Billie ouvrit deux grands yeux ronds et se sentit passablement troublée par un tel contact. Les seules personnes qui lui avaient prodigué des gestes semblables étaient son frère et son feu père. Elle s’en dégagea avec douceur et tourna le dos à l’inconnu, plus pour cacher son trouble que pour travailler sur une autre tâche.
Ne prétendez pas être intéressé par les dires d’une pauvre personne telle que moi. Je sais pertinemment que je n’ai rien d’intéressant.
La jeune femme esquissa un timide sourire. Pourquoi s’intéressait-il à elle ? Voulait-il la voler, la violer, la tuer ? Elle frissonna. Après tout, on voyait de tout dans ce bar. A force d’y travailler chaque soir, on commençait à se faire des films, des films qui rendent paranoïaque. Billie finirait par chiper un couteau tranchant au PDT pour le glisser dans sa manche, lorsqu’elle rentrerait à pied chez elle. Si c’est la meilleure façon pour elle de s’en sortir… Elle sursauta lorsqu’une femme, à la carrure imposante, lui demanda le bac de verres sales. Elle s’en excusa auprès de cette dernière et s’exécuta. De nouveau, elle fit face à l’inconnu qui avait recommencé à parler. Il avança une main vers elle, une main qui se posa dans ses cheveux. La rousse amorça un mouvement de recul. Elle restait tétanisée, mais tâchait de le faire paraître le moins possible. D’une voix bredouillante, elle réussit néanmoins à articuler :
Tous ceux qui triment pour se payer le moindre bout de pain, pour payer le loyer, pour survivre, tous ces gens-là disent la même chose. Ce n’est pas eux qui nous l’ont mis dans la tête. C’est la société qui le veut. Eux, ils ne composent certainement pas la société. Ils… Ils sont autres. Quoi, je ne saurais le dire… La société, c’est les ouvriers, les infirmières, les employés comme moi qui font en quelques heures ce que les fonctionnaires font en quelques jours.
Il retira sa main. Billie en profita pour lancer un regard insistant à sa collègue qui lui adressait un immense sourire. La rouquine voulait lui crier de lui venir en aide, mais sa retenue l’en avait empêché. L’homme qui l’avait disputé tout à l’heure traversa la salle d’un pas lourd. Les yeux bleu de Billie le suivit jusqu’à l’entrée du bar par laquelle l’homme disparut. « Encore parti voir les putes. Toujours la même chose avec lui. Il se fait plaisir, il se la coule douce et nous on travaille comme des forcenés pour que Monsieur ait quelques sous dans sa poche à la fin du mois. » Elle soupira, dégoûtée que les plus hauts placés s’accordent autant de pause. Après tout, un jour, elle leur montrerait le revers de la médaille. Un jour, lorsqu’elle se sera séparée de ses chimères et qu’elle sera devenue célèbre et riche, elle se pointera ici et devant eux, pour leur montrer sa réussite. Ils viendraient alors tous ramper à ses pieds, l’implorant alors de les excuser, chose à laquelle elle feindrait l’ignorance. Un fin sourire éclaira son visage.
Oh, excusez-moi, j’étais perdue dans mes pensées et je n’avais pas entendu votre question. Je travaille ici depuis six mois environ. Et vous, comment avez-vous atterri ici ? Une connaissance ? Votre boss ? Ou vous êtes-vous tout simplement perdu ?
L’homme partit voir les putes revint une dizaine de minutes plus tard. Il entendit la discussion entre Billie et l’inconnu accoudé au comptoir. Il l’interpella fortement et sèchement et lui précisa que le temps n’était pas aux bavardages et aux rêveries, que le bar ne se nettoierait pas tout seul. La jeune femme soupira une fois supplémentaire. Elle s’excusa auprès d’Easton – puisque l’inconnu se nommait ainsi, et répondit à sa courbette par un léger hochement de tête accompagné d’une grimace entre le rictus sarcastique et le sourire.
Comme vous avez pu le constater, moi, c’est Billie et je vous présente mon bienfaiteur !
Elle indiqua d’un mouvement de tête l’homme aux putes qui se dirigeait dans l’arrière bar. Billie le suivit et en ressortit cinq minutes plus tard, le balai et le seau dans la main. Elle s’attela alors à la lourde tâche de nettoyer le sol.
And every demon wants his pound of flesh
But I like to keep some things to myself
I like to keep my issues strong
It's always darkest before the dawn


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MessageSujet: Re: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeJeu 9 Aoû - 1:14

Elle ne l’écoutait plus, il le voyait dans ses yeux : la lueur de curiosité qu’il y avait surprise auparavant avait disparue. Easton demeurait silencieux, préférant laisser la jeune femme émmerger de l’océan de ses pensées, plutôt que de l’y tirer avec violence. Il entendit une porte s’ouvrir derrière lui, puis un pas trainant. Sans même avoir à se retourner, il avait reconnu là le gérant du bar. La rousse le fixait avec un dégout peu ou mal dissimulé, qui n’était pas sans rappeler l’expression qu’elle avait affichée lorsqu’elle avait mentionné les clients pervers à sa collègue, plus tôt dans la soirée. Ce fut elle qui rompit le silence qui régnait jusqu’alors. « Oh, excusez-moi, j’étais perdue dans mes pensées et je n’avais pas entendu votre question. Je travaille ici depuis six mois environ. Et vous, comment avez-vous atterri ici ? Une connaissance ? Votre boss ? Ou vous êtes-vous tout simplement perdu ? » Le jeune homme fut un peu prit au dépourvu devant l’intérêt soudain qu’elle lui portait. Ça faisait beaucoup de questions en même temps ! Peut-être rattrapait-elle ce bref instant de silence ? Il lui adressa un sourire franc et aspira avec peine une bouffée de tabac. Il était curieux qu’elle lui demande si il s’était perdu. Après tout, le PDP était plutôt sélectif, il fallait bien le dire ! Les clients devaient connaître un mot de passe précis, il y avait même une autre façade. « En fait, je me suis retrouvé ici un peu par hasard, à l’issue d’une longue marche… Et puis, avant de tourner les talons, je me suis souvenu qu’il y avait un speakeasy sous ce restaurant, un ami m’en avait brièvement parlé. » Il se s’était pas étalé. A quoi bon lui raconter toute sa vie ? De toute façon, il était prêt à parier qu’il ne reverrait plus cette fille.
Un claquement de porte le fit tressaillir. La silhouette trapue du responsable s’était découpée dans l’encadrement. Son absence n’avait pas durée. Il ne bougeait pas et semblait les observer d’un air mauvais. Thomas fronça les sourcils : qu’est-ce qu’il leur voulait celui là ? Il n’avait pas assez crié ? Il le regarda s’avancer vers eux, précédé par l’odeur pestilentielle du mauvais vin. Encore un qui avait trop bu. Sans saluer le client, l’homme se dirigea vers son employée, apparemment si remonté qu’Easton se demanda si il n’allait pas lever la main sur elle. « Je te paye à glander c’est ça ? On va fermer, alors si tu veux perdre ton temps à piailler avec des clients, je m’en fous ! Fais le hors de chez moi ! Si tu veux rester, tu nettoies ! Grouille ! » Il ne se répéta pas deux fois. Laissant les deux jeunes gens dans un silence gêné, il disparu aussi vite qu’il était apparu, par la porte de derrière. La serveuse semblait mal à l’aise et elle avait de quoi : encore une fois, elle avait été rabaissée devant un étranger. Débordant d’indignation, Thomas se demanda si il ne valait pas la peine de poursuivre le vieux poivrot pour corriger son manque de tact. Mais bon, il avait trop de soucis pour cela. « Comme vous avez pu le constater, moi, c’est Billie et je vous présente mon bienfaiteur ! » Elle le désigna de la tête, avant de filer le rejoindre. Il laissa échapper un petit rire moqueur et écrasa son mégot dans un cendrier qui trainait la. Billie. C’était un chouette prénom. La jeune femme réapparut, balais et seau en main. Il la regarda quelques instants essorer la serpillère, l’étaler sur le sol et commencer à frotter. Il se sentit soudainement inutile. « Hey, peut-être que vous auriez besoin d’un coup de pouce ? Je veux dire, on travaille plus vite à deux ? » Il n’attendit même pas sa réponse et attrapa une vieille serpillère qui trainait sous le bar, ainsi qu’un balais usé. Qu’aurait dit Ernest si il l’avait surprit à ce moment précis ? Surement quelque chose du genre : « Sacré coquin, t’es prêt à tout pour les filles, hein ? » Il esquissa un sourire et leva la tête vers Billie. « Alors, Billie ? Je suis prêt à parier que vous n’êtes pas d’ici…Ce ne serait pas un accent britannique que j’ai entendu tout à l’heure ? L’Angleterre a été moins touchée que l’Irlande non ? Qu’est-ce qui vous a menée ici ? » Il parlait tout en récurant le plancher crasseux, avec énergie et entêtement. Il avait enfin trouvé sur quoi se défouler.
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MessageSujet: Re: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeJeu 9 Aoû - 22:25

in the dark shadows of night
Un épais nuage de fumée plane au-dessus du comptoir, semblant vouloir marquer davantage son bois usé par le temps. Des ombres fatiguées, malgré leurs visages rendus sereins par l'alcool, emprunte à intervalles réguliers la lourde porte qui mène au restaurant, puis à l'air libre. Sur des lèvres charnues semblent parfois s'esquisser les sourires d'un réconfort utopique. Le brouhaha ambiant s'amenuise peu à peu pour laisser place à une langueur tangible dans l'ensemble de l'établissement. Les serveuses se voient enfin en mesure de souffler, les yeux encore rougis par la fumée. Une léthargie soudaine s'empare des lieux, plongeant chacun dans ses aspirations sommaires. Presque seules désormais demeurent, malgré tout, deux silhouettes animées d'une énergie illusoire. Elles s'adonnent au nettoyage vigoureux d'un sol indécrassable. Alors que les deux individus manœuvrent avec précautions la serpillère sur des lieux devenus dangereusement glissants, la luminosité vacille. Les locaux sont plongés dans un noir absolu en l'espace d'une brève inspiration. Ombres réduites au statut de cauchemars nocturnes dans le gouffre du bar. Bonne nuit. Charleston, Dunhills & Sidecars 1581665366
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MessageSujet: Re: Charleston, Dunhills & Sidecars   Charleston, Dunhills & Sidecars Icon_minitimeSam 11 Aoû - 0:16

All of these lines across my face
Tell you the story of who I am
So many stories of where I've been
And how I got to where I am

Pourquoi ne pas jeter son tablier sur le comptoir et s’en aller d’un pas majestueux ? Pourquoi ne pas dire au patron ce qu’on pense de ses « intérimaires » douteux, qui en faisaient baver aux simples employés ? Se rebeller semblait si facile. Lorsqu’il s’agissait de passer à la pratique, c’était une autre paire de manches. Plusieurs fois, Billie s’était imaginée quitter ce lieu qu’elle trouvait parfois un peu austère. Elle avait retourné dans sa tête les multiples façons de s’échapper de ce tourbier, mais aucunes de l’avaient satisfaite. Alors, elle était restée, en subissant des brimades. De toute façon, elle n’avait pas d’autres choix que de se taire et de travailler. L’argent ne poussait pas sur les arbres, elle le savait. Il fallait qu’elle paie sa part de loyer, quand bien même son frère n’acceptait aucune participation de sa part. Mais les regards insistants et les paroles bourrées de sous-entendus de sa fiancée persuadaient la jeune fille qu’il fallait vite prendre son envol.
On n’arrivait jamais au bar par pur hasard. Déambuler dans les rues en pleine nuit, prétendre s’être perdu et avoir atterri ici n’étaient pas plus des excuses valables que le-chat-de-la-voisine-aux-charentaises-bleue-marine-m’a-conduit-ici. La jeune femme fronça légèrement des sourcils avant de s’exclamer d’une voix emprunte de soupçons :
Vous faites parti du gouvernement ? Vous venez nous inspecter pour nous mettre ensuite à la porte ?
Elle avait ensuite suivi l’homme aux putes et était revenue quelques instants plus tard, son seau, son balai et sa serpillière dans les mains. Elle s’activait déjà à la lourde tâche de nettoyer le sol. On la lui avait ordonnée. Enfin… On la lui avait gueulée. Fermer sa gueuler et s’exécuter, c’est tout ce qu’il fallait faire. Elle avait trempé sa serpillière dans son seau rempli d’eau et l’avait lâché sur le sol. Puis, elle nettoyait le sol. Parfois, elle s’accroupissait pour enlever une tâche particulièrement tenace. Une pensée morbide vint la secouer. Est-ce que des personnes avaient tenté d’éponger l’eau qui montait, dans le Titanic ? Quelqu’un avait-il tenté de réparer la « fuite » ? Billie avait observé l’eau monter quand son père s’échappait avec elle de leur petite chambre. Elle avait pensé qu’il faudrait vider l’eau avec un seau et balancer ça par-dessus bord. Bien des années après, elle a su que c’était une idée idiote. A ses yeux perlaient des larmes. Elle espérait qu’on les prenne pour des larmes de douleur, dû au mec qui lui hurlait dessus. Le dernier client arriva près d’elle, une serpillière et un balai en main. Billie l’observa quelques instants avant de se sortir de sa torpeur.
Seigneur ! Que faites-vous ? Ce n’est pas votre travail que de récurer les sols ! Je vous somme de poser tout ceci immédiatement !
Elle ne sait pas si Easton l’avait entendu, mais qui ne tente rien n’a rien. Son cœur battait à 200 à l’heure, parce qu’elle avait eu le courage, si on peut appeler ça comme ça, de s’opposer à l’activité qui lui était normalement réservée. Elle lui aurait bien arraché le balai et la serpillière des mains mais les inconnus étaient souvent imprévisibles. Et puis, l’homme aux putes l’aurait de nouveau disputé pour violence envers un client. Violence envers un client ou faire bosser ce client, dans tous les cas, elle se ferait disputer. Au final, elle décida qu’elle n’avait pas son mot à dire. Et s’il voulait l’aider, elle s’arrêterait de refuser un coup de main. Lorsqu’il prononça son prénom, la jeune femme tourna la tête vers lui avec un fin sourire. Mais lorsqu’il lui parla de l’Angleterre, elle rebaissa la tête et passa la serpillière plusieurs fois au même endroit. Le traumatisme du naufrage était encore bien trop ancré dans sa mémoire. Il n’en est jamais vraiment parti.
Les lumières cédèrent soudainement. La salle fut plongée dans le noir complet. Cédant à la panique, Billie tenta de voir quelque chose. Elle se mit à bouger et percuta le seau rempli d’eau savonneuse. Elle laissa échapper un merde tonitruant avant de risquer une escapade vers l’inconnu. Elle laissa tomber son balai et tendit les bras devant elle. Elle ne savait pas ce qu’elle rencontrerait, mais cette noirceur devenait soudainement étouffante. Et, comme si elle fut projetée à des lieues de là, l’homme aux putes l’appela, mais cela lui semblait si lointain. Elle commençait à paniquer ; elle tenta néanmoins de prendre le contrôle sur cette faiblesse.
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