histoire

« J’ose tout ce qui sied à un Homme ; qui n’ose point n’en est plus un. »

Elijah avait eu des regrets dans sa vie, cela aller sans dire. Même pour un fils de riche, oui oui oui. Et quand il posait les yeux sur la femme que l'on nommait sa... fiancée, il regrettait comme jamais cette circonstance du destin qui avait fait qu'un jour, il avait croisé la route cette femme. Enfin, que son père avait croisé la route des parents de ladite jeune femme. Mais l'histoire d'Elijah commence 29 ans plus tôt, dans la torpeur londonienne, en 1895. L'Europe, l'Angleterre, la belle époque mes amis! La vie avait souris à Elijah, comme à chaque enfant qui naissait dans ces familles nouvellement bourgeoises mais surtout, nouvellement riches. Son père, un ancien ouvrier devenu le propriétaire d'une fabrique de tissu par un incroyable concours de circonstances, avait pu offrir à Elijah – ainsi qu'à ses frères et sœurs qui naquirent après – un confort non moindre et une toute nouvelle perspective de vie. A lui cet enfant qui, a quelques mois près, avait failli naître dans la pauvreté. Alors Elijah avait grandi entre les rues de Londres et la campagne anglaise, un luxe incroyable! Mais ses parents n'oublièrent pas d'où ils venaient, et ils prirent grand soin de le rappeler tous les jours à l'enfant et montrèrent toujours leur attachement à leur ancien quartier en y aidant les habitants.
Et puis vint le jour où ce Nouveau Monde synonyme de grandeur, acceuillait les bras grands ouverts tous les européens qui voulaient bien poser leurs bagages sur cette terre pleine de promesse. Adieu Londres et bonjour New York. Wheeler senior rebâtit une entreprise dont les tissus de qualité servaient à alimenter les gardes-robes des riches et des danseuses de cabaret. Elijah, adolescent alors, vécut dans la candeur new yorkaise des années folles qui arrivaient tout doucement jusqu'à devenir un adulte. Un adulte qui reprendra l'affaire familiale à l'âge de 25 ans et en hérita pour de bon une fois que son père le reconnut apte à prendre sa place. Non content de lui avoir offert un travail, Wheeler senior trouva aussi nécessaire de se charger de trouver une femme à Elijah. Résigné à ne pas avoir le choix, le jeune homme fit une cour toute aussi résignée à la demoiselle qui devint sa fiancée quelques semaines avant le début de notre histoire. Depuis, Elijah fréquente les bars clandestins, d'une pour trouver de l'alcool et oublier le futur ennuyant qu'il lui a été promis, et s'échapper de son appartement, sans s'imaginer que sa vie prendrait un tournant inattendu...

Test RP

Elijah se sentit soudainement mieux dès qu'il eut respiré l'air saturé de fumée. Ce n'était pas tellement l'odeur du tabac qui lui plaisait, il n'était lui-même qu'un fumeur occasionnel, mais c'était le fait de savoir qu'il était enfin entré dans cette zone neutre, hors de chez lui. Un bar, rien de plus, mais cela lui était suffisant pour s'échapper, pour avoir sa dose de liberté. Suffisant et nécessaire. Elijah fuyait son appartement depuis quelques semaines... c'est-à-dire le moment exact où son père lui avait soufflé qu'il serait tant qu'il demande en mariage Carla. Ce qu'il avait fait. Alors, ce soir il était là, dans un bar clandestin... Elijah s'avança dans la salle, fit un signe au barman et s'installa au bar. A peine eut-il le temps de se saisir de son verre qu'il sentit quelqu'un passer derrière lui. Il ne s'en serait pas formalisé si ce même homme, maintenant installé à côté de lui, ne lui avait pas adressé la parole.
Elijah l'écouta attentivement. Un homme comme lui? Que voulait-il dire? Cet illustre inconnu lui demander de « les » aider pour vivre « enfin » quelque chose de palpitant, et en même temps il lui reprochait d'être trop frileux? C'était donc ça le type d'homme qu'il, ou ils, cherchait? Elijah ne répondit pas. En fait, cette proposition l'énervait. Même si au final, il ne savait pas si cela était dû au fait qu'il ne pouvait dire oui, ou juste pour l'insinuation qu'avait faite l'homme à son égard.
Oui, il aurait aimé vivre quelque chose d'autre, loin des attentes de son statut social, loin des faussetés de la bourgeoisie new yorkaise, loin des contraintes et du confort tranquille mais ennuyeux que lui avait donné cet argent. Elijah avait souhaité bien des choses, des choses vraies et authentiques, une vie qui se passe de faux-semblants et des apparences des beaux quartiers où vivent de belles personnes à la douce apparence mais aux valeurs tronquées par des ambitions égoïstes. Oui, cette vie l'avait fait rêver pendant longtemps. Et oui, il savait que cette vie rêvée n'était pas pour lui. Mais, il avait des responsabilités et il avait mérité la confiance que son père avait mis en lui et en sa capacité à reprendre l'héritage Wheeler. Car avant d'être un petit bourgeois, il était un homme d'honneur et il savait où étaient ses engagements. Elijah se leva, prit son verre :
« Non. »

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