histoire

Live on the dark side of the American dream

Juliet est la deuxième enfant de la famille Westminster. Elle a en effet un grand frère, mais qui ne vit pas à New York. A sa naissance, toutefois, sa mère est morte en lui donnant la vie. Juliet vit donc seule avec son père depuis toujours. Un père qui est un homme protecteur, gentil et doux, mais qui reste un homme, et qui imagine pour sa fille de grandes choses, qui ne sont pas forcément les mêmes que celles auxquelles la jeune fille pense pour elle-même.
Quoi qu'il en soit, elle grandit entourée et aimée de son papa, et elle l'adore. Mais elle supporte difficilement la main mise des hommes sur les femmes, elle n'a pas confiance en eux, elle les craint aussi, et pour elle, ils sont tous les mêmes.
C'est pourquoi, en grandissant, elle se découvre une nette préférence pour la compagnie des femmes, une préférence qui orientera même sa vie amoureuse, puisqu'elle pense être attirée plus par les femmes que par les hommes. Elle n'a toutefois jamais eu d'expérience, ni avec les premières, ni avec les seconds, et il est évidemment hors de question que quiconque sache ses préférences.
A l'adolescence, elle devient femme de ménage pour une famille bourgeoise, car la famille Westminster fait partie de la classe moyenne et le salaire que son père gagne tous les jours à l'usine n'est pas toujours suffisant. Elle se met donc au travail, elle aussi, mais elle rêve de tout autre chose. Depuis son plus jeune âge, en cachette, elle observe quand elle le peut les gens danser, chanter... et elle s'entraine, en cachette.
Elle devient donc une danseuse douée, qui sait également chanter, mais son plaisir est réellement la danse. Vers l'âge de 16 ans, elle réussit à se faire engager dans un cabaret de la ville, et danse presque tous les soirs depuis, dans le dos de son père. Elle prend d'énormes risques, elle le sait, mais elle a la chance d'avoir la complicité de la fille aînée de la famille pour laquelle elle travaille, et qui la couvre.
Depuis quelques mois, son père l'a promise à un homme qu'elle ne connait pas. Les fiançailles approchent rapidement, trop rapidement au goût de Juliet, mais elle n'en dit rien. Elle sait seulement que cet homme est de 10 ans son aîné.
Si Juliet est promise seulement maintenant, à l'âge de 23 ans, c'est que jusque là, son père a retardé l'échéance, ayant quelques petites difficultés à l'idée de se séparer de sa fille, et de se retrouver seul. Mais l'honneur de la famille reprend le dessus, et son père agit en bon père de famille, au grand désespoir de Juliet.

Test RP

La journée avait été longue. J'avais travaillé chez les Humbler toute la journée, récurant, nettoyant, polissant le moindre recoin ou le moindre objet. Ils s'étaient montrés particulièrement exigeants, d'ailleurs, et je n'avais pas eu une seule minute pour me reprendre. Je savais que ce soir serait difficile, mais j'étais loin d'imaginer à quel point. Je m'étais rendue au cabaret, je m'étais préparée avec, pour la première fois depuis longtemps, lassitude. J'adorais danser et cette activité relevait plus de la passion que du devoir d'amener un peu d'argent à la maison. Mais j'étais épuisée par le rythme que je soutenais depuis quelques années. Travailler chez les Humbler n'avait jamais été de tout repos, mais je m'y étais habituée cependant. Toutefois, danser en plus pratiquement tous les soirs m'épuisait totalement. Mes performances étaient bien meilleures que lorsque j'avais commencé, c'était certain, mais elles étaient également de plus en plus difficiles, car si je voulais percer un jour, je me devais de procurer au public des spectacles dont ils se souviendraient, et ce n'était certainement pas avec une petite danse de vieux cabaret que j'allais réussir mon projet. Aussi, mon exigence envers moi-même avait redoublé au fil des ans, et désormais, je ressentais tout le poids de la pression que je me mettais moi-même, et de l'épuisement qui me guettait.

Quoi qu'il en soit, ce soir-là, avec ma prestation, je filai dans les coulisses – une loge, pour moi toute seule ? Je ne m'appelais pas encore Mistinguett ! – et je me changeai rapidement. J'ôtai toute trace de maquillage, signe de ma trahison que mon père ne devait absolument pas voir, et finis enfin par quitter les lieux alors qu'il commençait à se faire tard.
J'eus à peine claqué la porte du bâtiment que je ressentis la pression d'une main sur mon bras. Elle n'était pas violente, mais suffisamment forte pour m'attirer plus loin et me maintenir. Je n'eus aucun doute sur la personne que je trouverais en me retournant. Cette poigne était celle d'un homme, et la panique me saisit avant même que j'eus posé les yeux sur lui.

Je fus étonnée par son allure. Il semblait bien sous tout rapport et pas une once de méchanceté ne venait balafrer son visage. Il avait un mince sourire au bord des lèvres et de sa main libre, venait d'ôter son chapeau en signe de respect, découvrant une chevelure abondante et foncée. Il avait belle allure et si j'avais eu confiance en un quelconque homme, c'eut été lui. Mais je n'avais confiance en aucun d'eux. Ils me faisaient peur, et j'imaginais, dans ma naïveté de jeune pucelle, qu'ils étaient tous des maîtres à qui il fallait seulement obéir sans jamais espérer rien d'autre. Pour moi, les hommes avaient tous la main mise sur les femmes et ne les considéraient pas plus que les chevaux qui avaient jadis tiré leurs charrettes. Elles étaient utiles, il fallait les nourrir et les soigner, leur apporter quelques caresses. Et ça s'arrêtait là.
Je savais que l'homme était capable d'amour. Mon père m'aimait d'une manière indescriptible. Mais j'étais sa fille. Et jamais je n'avais vu mon père en compagnie d'une femme. Le connaissant, je l'imaginais autoritaire, maître de la situation et de la femme. Menant les amours d'une main de fer et exigeant qu'elle cède à toutes ses envies – que je préférais ne pas imaginer. Tous les hommes étaient comme lui, n'est-ce pas ?

Celui qui me tenait le bras y compris. J'en eus le souffle coupé. J'étais tétanisée. Je ne pouvais pas bouger, pas faire un pas, et aucun son ne put sortir de ma bouche.
Ce fut lui qui brisa le silence.

« Mademoiselle, excusez-moi pour cette entrée en matière. Vous m'avez subjugué ce soir... donnez-moi une chance de connaître la merveilleuse danseuse que je n'ai pas quitté des yeux ce soir ! »
J'en étais abasourdie ! Les hommes se croyaient vraiment tout permis ! Pourquoi avaient-ils le droit de venir faire peur à des jeunes femmes innocentes ? Sous le ton calme et apaisant de sa voix, je me repris quelque peu. Je fis donc un geste brusque pour me défaire de son emprise et reculai maladroitement de quelques pas.

« Laissez-moi tranquille ! Allez-vous en, ou je crie et j'appelle au secours... ! » dis-je, la voix tremblante. Je pus lire l'étonnement sur son visage. Il ne pensait sans doute pas m'avoir fait peur de la sorte. Il avait seulement voulu me complimenter, me charmer, mais pas m'effrayer.
Il aurait pu m'aborder de mille façons différentes, toutefois, que j'aurais eu la même réaction. Je n'avais rien de familier avec les hommes, ils me faisaient peur par leur simple présence. J'avais toujours préféré la compagnie des femmes, qui, je le sentais, me comprenaient, même lorsque nos niveaux de vie étaient différents. Certes, certaines ne pourraient jamais comprendre ce que je vivais, mais quand je voyais et fréquentais Evelyn, la fille aînée de mes patrons, avec qui j'avais noué une grande amitié, je voyais dans ses yeux qu'elle saisissait ce qu'était la vie d'une femme dans notre société. Elle aussi était promise, elle était déjà d'ailleurs fiancée à un homme qu'elle détestait. Nous étions complices dans notre malheur et souvent, je ressentais en sa présence des choses que je ne ressentais avec personne d'autre. Le contact physique que nous avions parfois quand nous nous enlacions pour nous dire au revoir me donnait souvent des frissons, et j'y repensais constamment le soir, dans mon lit, en essayant de m'endormir.
J'avais parfois envie de la prendre dans mes bras, ou de lui donner un baiser sur la joue. J'avais même parfois rêvé l'embrasser sur les lèvres, mais je refoulais ces idées au fin fond de moi, elles me faisaient peur. Ce n'était toutefois pas du tout la même peur que celle que je ressentais en cet instant. Il s'agissait plus d'une peur d'excitation, mon corps tout entier était en ébullition lorsque j'y songeais, et j'avais honte de ces sentiments. Je n'avais d'ailleurs pas la moindre idée de ce qu'ils signifiaient, de ce qu'ils représentaient, mais je savais qu'ils me tenaient parfois éveillée pendant longtemps, toute au plaisir de pensées que jamais personne ne pourrait m'interdire.

L'homme s'excusa humblement de m'avoir effrayée, m'expliqua qu'il avait simplement souhaité m'encourager, mais mes paroles et mon regard lui indiquèrent rapidement que c'était peine perdue, et il me laissa tranquille.
Heureusement, lire dans les esprits des gens n'existait pas encore, et je pouvais retourner chez moi, me blottir dans les bras de mon lit, toute à mes pensées interdites, une fois de plus.

crédit © lena & tumblr