histoire

Once upon a time, a european girl in New York City.

Lucien et Esther Greenberg semblaient avoir parfaitement réussi leur vie : tous deux issus de familles juives polonaises, ils s'étaient rencontrés à Paris, leurs deux familles fréquentant les mêmes cercles. Tous deux étaient issus d'un milieu aisé et avaient les mêmes valeurs traditionnelles. Ils se marièrent jeunes, dès que Lucien eut commencé à gagner de l'argent dans le commerce. Ils espéraient avoir un enfant rapidement, mais malheureusement, ce fut l'unique chose qui manqua pour que leur bonheur soit complet. Durant plusieurs années, Lucien continua d’accroître leurs revenus et tous deux restèrent en bonne santé, mais aucun enfant ne vint. Puis, alors que tous deux semblaient avoir renoncé, Esther tomba enceinte, à la surprise générale, non pas d'un, mais de deux enfants, deux jumeaux, qui vinrent au monde quelques moins plus tard. Ada fut la première, puis ce fut le tour de son frère, Simon. Les deux enfants grandirent et ne manquèrent jamais de rien. Leur éducation fut très tôt prise au sérieux : tandis que le petit garçon devrait être un homme éduqué et fort, sa sœur était destinée à devenir une parfaite épouse. Mais il sembla que dès son plus jeune âge, Ada avait décidé d'être en désaccord avec ce que ses parents voulaient faire d'elle, préférant passer ses après-midi avec son frère après l'école. Elle était bien loin d'être la petite fille sage et docile que l'on avait espéré, et plus d'une fois, ses parents prédirent que cette enfant leur donnerait bien plus de souci que son frère. Et ils avaient raison : tout ce que la fillette n'avait pas le droit de faire lui paraissait désirable. Elle ne comprenait pas pourquoi son frère, qui avait pourtant le même âge qu'elle, semblait avoir davantage de possibilités. Souvent espiègle, parfois désobéissante, elle faisait en cachette ce que son père lui interdisait, comme lire le journal. Rétrospectivement, elle se dira souvent que c'est à cette époque que son intérêt pour les enquêtes criminelles naquit, tandis qu'elle lisait le journal de son père, cachée sous une table à l'office des domestiques.

Son existence changea pourtant bientôt. Alors qu'elle et son frère n'avaient que douze ans, leur père décida d'émigrer en Angleterre, où il comptait s'associer avec un ami proche qui vivait là-bas. Quelques mois suffirent pour leur départ, et soudain, Ada se trouva obligée de quitter le quartier qu'elle avait toujours connu pour un univers qui lui semblait, à l'époque, se trouver à l'autre bout du monde. Elle détesta Londres à son arrivée : elle trouvait la ville noire, sale et repoussante. Mais au fil des semaines, son opinion changea peu à peu en faveur de la capitale. Elle s'y fit des amis et découvrit un tout nouvel univers. Son entrée dans l'adolescence accentua son désir de s'émanciper et d'échapper à son destin de future épouse. Elle rêvait d'entrer dans la police, bien que cela soit impossible pour une femme, de vivre sa vie comme elle l'entendait. Elle était intelligente, et même un peu trop au goût de ses parents qui faisaient de leur mieux pour lui inculquer les règles de la bienséance et du savoir vivre. Peu avant ses quinze ans, elle fit une rencontre qui changea toute sa vie : celle de Mina Harris, membre active de la Women's Social and Political Action. Si Ada connaissait le mouvement des Suffragettes, elle n'avait encore jamais parlé à l'une d'entre elle. Mina lui inspira de nouvelles possibilités d'avenir, de nouvelles envies et l'idée qu'elle aurait dû avoir le droit de décider elle-même de son avenir. Malgré son jeune âge, elle participa de plus en plus activement au mouvement, jusqu'au jour où elle fut arrêtée lors d'une manifestation. Ses parents connurent la plus grande honte de leur existence lorsqu'ils allèrent la chercher pour la ramener à la maison. Ils prirent la décision de la marier sans délai, avant que son comportement n'entache leur nom pour le reste de leur existence. Elle fut donc fiancée rapidement à un jeune homme de la même communauté et du même milieu que les Greenberg. Mais avant qu'elle n'ait eu le temps de former des plans pour y échapper, la guerre fut déclarée. Son fiancé, tout comme son frère s'engagèrent dans l'armée britannique pour défendre ce qu'ils croyaient être juste. Comme tant d'autres, la famille d'Ada ne fut pas épargnée par les souffrances que cela engendra : la vie devint plus difficile, et la peur s'insinua partout. Sans Simon, la jeune fille se sentait arrachée d'une partie d'elle-même et vécut tout ce temps dans une véritable angoisse, jusqu'à une lettre annonçant la mort du jeune homme. Perdre son jumeau fut de loin l'épreuve la plus douloureuse qu'elle eut à traverser, et longtemps, on crut qu'elle ne s'en remettrait pas.

Pourtant, la vie continua. La guerre prit fin et il fallut tout reconstruire. Contrairement à son frère, le fiancé de la jeune femme était revenu, et bientôt, les projets de mariage qui avaient un temps été abandonnés reprirent. Mais la vie avait changé : durant la guerre, la plupart des hommes étaient partis, laissant leurs emplois vacants. Son père avait perdu de l'argent, et pour la première fois de sa vie, elle avait travaillé. Pour la première fois, elle avait pu gagner un salaire, de l'argent qui avait été à elle et à elle seule. Cet avenir d'épouse soumise qu'on lui réservait et qu'elle avait tant redouté lui semblait désormais inacceptable. Malgré la pression familiale elle résista, tant bien que mal, et refusa catégoriquement de se marier. Le résultat fut sans appel : à tout juste vingt-deux ans, elle fut reniée par les siens et livrée à elle-même. Elle décida alors de réunir les économies qu'elle avait pu faire pendant la guerre et de partir pour New York. Elle y voyait un lieu de liberté, où tous ses rêves pourraient enfin se réaliser. Elle avait entendu dire que les femmes et les hommes y avaient les mêmes droits. La tête pleine de rêves et de projets, elle s'embarqua sur le premier navire en direction de cette terre et de ses promesses.

Comme tant d'autres immigrés arrivés avant elle, elle dut rapidement descendre de son petit nuage. La réalité ne serait pas si facile qu'elle l'avait cru, mais qu'à cela ne tienne ! Ada avait toujours été une personne pratique et débrouillarde et au lieu de se laisser sombrer dans son misérable logement, elle retroussa ses manches et chercha activement un travail. Son joli minois et sa fraîcheur candide parlèrent en sa faveur et elle fut rapidement engagée en tant que femme de chambre dans un vaste hôtel. Bien sûr, cet emploi était bien loin de ses ambitions : rêvant d'entrer dans la police, elle comprit rapidement que cette carrière lui était fermée. Elle continua donc à s'intéresser aux enquêtes criminelles de loin, par l'intermédiaire de la presse. Sa vie connut un nouveau rebondissement, le jour où l'une des clientes de l'hôtel dans lequel elle travaillait trouva la mort dans des circonstances étranges. Ce fut à ce moment qu'elle croisa la route de Dick Callaghan, détective privé engagé par la famille de la jeune victime. Malgré lui, Ada, qui n'était au départ qu'un simple témoin, sembla déterminée à l'aider dans ses investigations. Alors qu'il ne voyait en elle qu'une poupée écervelée, elle sut lui démontrer le contraire et lui fut d'une aide précieuse dans son enquête. Depuis, elle prit l'habitude de l'aider dans son travail, et il fut malgré lui bien obligé de la supporter, sans jamais avouer qu'elle lui devenait au fil du temps précieuse dans ses investigations.

Ne s'épanouissant guère dans son travail à l'hôtel, elle suivit ce qui semblait être une mode et utilisa ses économie pour prendre des cours du soir dans le but de devenir secrétaire. Appliquée, elle ne tarda pas à devenir plutôt douée pour tapper à la machine. Malheureusement, malgré sa fraîcheur et son joli minois, elle eut quelques difficultés à trouver du travail, jusqu'à ce qu'elle eut l'idée de changer son nom en Green et de se faire passer pour protestante. Elle se rendit rapidement compte que c'était légèrement moins excitant que ce qui lui avait été promis, mais heureusement, son travail auprès de Callaghan lui apportait la dose de frissons dont elle avait besoin.

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